Alex Nicol est un Breton, profondément attaché à sa Bretagne presque natale. Comme tous les Bretons, du reste. Alex Nicol est aussi un auteur de polars prolifique. Il est le père du héros, breton cela va sans dire, Gwenn Rosmadec qu’il promène, souvent accompagné de son épouse Soizic, dans des aventures toujours plus drôles et rocambolesques depuis 14 romans. Le 15ème est en cours d’écriture. Alex Nicol a accepté de nous parler de sa vie d’avant l’écriture, de ce qu’il aime, de ce qu’il aime moins, des endroits qui l’inspirent. Et même de son héros qu’il n’a pas fini de faire courir !
Bonjour Alex Nicol ! Pouvez-vous vous décrire brièvement ? D’où êtes vous ? Que faites-vous ou qu’avez vous fait dans la vie avant de prendre la plume ? Qu’est ce que vous aimez dans la vie et, au contraire, qu’est ce qui vous agace ?
« J’ai passé le concours de l’école normale en classe de 3ème, par hasard, en 1969 puis j’ai préparé une maîtrise d’anglais en cours du soir. Mais je suis un grand voyageur, intéressé par les rencontres avec d’autres cultures. Je me suis donc efforcé d’en faire mon métier : J’ai passé deux ans au Maroc pour le service militaire, puis six ans en Inde à Madras avant Chandigarh où j’ai créé une Alliance française, ensuite à Djedda en Arabie saoudite à la tête du centre culturel français, et à Mayotte enfin comme chef d’établissement. J’ai commencé à rédiger des nouvelles pour la revue de l’association des Français de Djedda. J’y ai pris un certain plaisir. De retour en France je me suis demandé si je pouvais produire 200 pages. J’ai essayé et ce fut L’étrange secret de Marie Cloarec, mon premier polar et la naissance de mon héros, Gwenn Rosmadec. Je suis plutôt épicurien en ce sens que j’aime la vie, j’aime partager les bons moments de l’existence, j’aime la musique. Comme je suis Breton, j’ai appris la cornemuse quand j’avais 45 ans et je continue à ce jour avec une préférence pour la musique écossaise, d’où le port du kilt. Conséquence: je donne facilement ma confiance mais je ne supporte pas que l’on la trahisse ».
Depuis combien de temps écrivez-vous ? Quel a été le déclencheur ? Est ce que vous avez été un gros lecteur avant de venir à l’écriture ?
« Mon premier roman, L’étrange secret de Marie Cloarec est paru en 2006. Je n’étais pas un « gros » lecteur, mon métier ne me laissait pas toujours assez de temps pour me plonger dans un livre . Mais j’adore le cinéma et j’ai beaucoup fait usage de cassettes vidéo puis de DVD qui est une forme différente de lecture si on regarde avec un œil critique ».
Vous êtes surtout connu pour être un auteur de polars, même si vous avez écrit aussi quelques livres de littérature jeunesse. Pourquoi ce choix ? Pourquoi cet univers ?
« Le polar est une forme d’écriture qui permet de faire passer beaucoup de messages par le biais de l’histoire. En tant qu’angliciste, j’ai été très influencé par les écrivains anglais, en particulier la grande Agatha Christie et dans le domaine de la science fiction Isaac Asimov. Mes romans, au delà du suspense qui va pousser le lecteur à tourner les pages, est une ode à ma Bretagne soit à travers les paysages et traditions que je peux présenter en contexte soit par le regard que portent mes deux héros sur leur environnement, qu’il soit breton ou d’ailleurs ».
Depuis plusieurs années, vous mettez en scène dans votre série « Enquête en Bretagne » le même duo de personnages : Gwenn et Soazic Rosmadec. Personnellement, ils me font beaucoup penser aux héros d’Agatha Christie, Tupence et Tommy Beresford pour leur côté déjanté et intrépide. Comment ces personnages sont-ils nés ? Quels rapports entretenez-vous avec eux ? Est ce que Gwenn Rosmadec, c’est aussi un peu vous?
« Au départ, j’avais envisagé , une fois en retraite, de créer un cabinet d’écrivain public pour continuer à rencontrer des gens et partager leur vie. Je me suis rendu compte que ce pouvait être un excellent personnage de roman dans la mesure où, comme moi, il n’y connaît rien aux procédures de police ou gendarmerie. Il est obligé de se débrouiller face aux situations critiques dans lesquelles je le mets. Gwenn Rosmadec est breton, mais je l’ai imaginé ancien reporter donc capable d’avoir sur ses actes et son environnement le recul suffisant pour ne pas tomber dans le piège de l’auto satisfaction. Alors est ce que Gwenn c’est moi ? Oui, au début, et je vivais intensément ses aventures au fur et à mesure que je les écrivais. Mais au fil du temps, il a gagné en indépendance et sa personnalité s’est étoffée et différenciée. En plus, lui, il a 40 ans depuis 10 ans, ce qui n’est plus mon cas ».
Si j’ai bien compté, Gwen et Soizic Rosmadec sont les héros de 14 enquêtes. Pas de lassitude de votre part ? Où trouvez-vous l’inspiration pour emmener vos personnages à chaque fois dans une nouvelle aventure ?
« Dans le premier roman, lorsque j’ai créé Gwenn et son épouse, ils ne devaient y apparaître que là et je pensais vraiment poursuivre d’autres histoires avec d’autres personnages. Il se trouve que ces deux là sont tellement attachants que j’ai continué l’aventure avec eux. Et pour le moment je n’ai pas envie de les laisser au bord de la route. Du reste, mes lecteurs ne me le pardonneraient pas. Alors on continue et ça nous fait du bien.
Quant à l’inspiration, elle vient du fait, qu’avec le temps, à chaque situation réelle, je ne peux m’empêcher de me dire « Tiens! Qu’est-ce que je pourrais faire avec ça? ». Ce peut être un article de journal, un fait divers, un personnage…N’importe quoi, en fait ! Quand je pense avoir trouvé une base de départ, je la laisse mûrir en y agglomérant des constituants divers (personnages, accidents, quiproquos…) puis vient le temps de l’écriture. J’ai une idée globale de l’histoire mais celle-ci va vraiment se créer pendant la phase de rédaction. Et il arrive souvent que mes héros m’entraînent sur une voie à laquelle je n’avais pas songé au départ ».
Votre série Enquête en Bretagne se passe… en Bretagne forcément. Vous semblez vraiment très attaché à cette région. D’ailleurs, vos descriptions sont criantes de vérité. Pourquoi la Bretagne vous inspire-t-elle autant ? Pouvez-vous imaginer écrire un polar dans une autre contrée ?
« Je suis né à Madagascar à l’époque de la colonie française. Mais mes racines sont bretonnes. Et j’ai constaté que les Bretons expatriés -et il y en a beaucoup- sont très attachés à leur culture. J’ai donc baigné toute mon enfance dans un environnement « bretonnant », pas en terme de langue mais en terme de cuisine, de bibelots sur les buffets, de meubles, de lettres de la grand mère quimpéroise etc. Maintenant, mes héros sont certes Bretons mais ils voyagent. En fait ils me suivent dans mes pérégrinations. J’ai utilisé mes connaissances de l’Inde pour écrire Le Bouddha bigouden, de l’Arabie Saoudite pour Des babouches à Esquibien. Un voyage récent à Port d’Espagne, invité par l’ambassadeur de France que j’avais connu à Djedda quand il était Consul général, a donné Pas de crêpes à Trinidad. Enfin, le dernier qui vient de sortir Le meurtre de Joseph le Roy, est un huis clos dans un autocar qui voyage entre Los Angeles et San Francisco via le Grand Canyon et Las Vegas, voyage que j’avais effectué moi-même. Mais je ne savais pas alors que j’allais en tirer un roman ».
Vous êtes publié aux Editions du 38 depuis de nombreuses années. Comment s’est passée votre rencontre avec « les filles du 38 » ? Pourquoi avez-vous choisi cette maison d’édition et lui êtes-vous resté fidèle ?
« J’ai d’abord eu affaire à des éditeurs régionaux classiques avec lesquels les relations furent peu amènes. Surtout lorsqu’ils intervenaient sur mes textes sans me le dire. J’ai alors décidé de me lancer dans l’auto-édition. Ayant déjà un lectorat, l’aventure pouvait être tentée. Et cela a assez bien fonctionné, grâce, bien qu’elle soit très décriée, à la plate forme d’Amazon. Mais je passais beaucoup trop de temps à faire du marketing sur les réseaux sociaux pour faire connaître mes livres. J’ai donc cherché une maison d’édition qui diffuse les romans sur liseuse électronique. C’est de cette manière que j’ai connu Anita Berchenko* et lorsqu’elle a créé sa propre maison, elle m’a proposé de la rejoindre. J’ai beaucoup de respect pour elle. C’est une grande travailleuse qui a su s’entourer d’une équipe dynamique (qu’on appelle en rigolant « les filles du 38″) et qui sait écouter. On ignorait au départ ce que cela allait donner mais les lecteurs nous ont suivis et les éditions du 38 sont maintenant sur la voie du succès ».
L’étrange secret de Marie Cloarec vient d’être traduit en allemand. J’imagine que c’est une fierté pour vous. Pourquoi le choix de ce pays ? D’autres traductions de vos romans sont-elles prévues ? Dans quels pays ?
« C’est vrai que cette traduction m’a fait très plaisir. C’est une forme de reconnaissance des lecteurs et une confiance que m’a accordée Anita. Pourquoi l’Allemand? Ce serait plutôt à l’éditeur qu’il faudrait poser la question. Ceci dit, un phénomène surprenant s’est passé récemment: un auteur allemand dont le pseudo est Bannalec, écrit des polars en Bretagne dans la langue de Goethe. Et il fait un tabac parce que la Bretagne est une destination très prisée des Allemands. Alors pourquoi ne pas tenter la même chose? Je sais qu’un projet de traduction en anglais est aussi envisagé. On verra le moment venu ».
Participez-vous souvent à des salons, à des rencontres littéraires ? Que vous apportent les rencontres avec vos lecteurs ? Certaines d’entre elles vous ont-elles particulièrement marqué ?
« Quand on est un débutant dans le métier d’écrivain, aller dans les salons est une nécessité. Cela permet de rencontrer de « futurs » lecteurs et de les convaincre de l’intérêt qu’il y a à acheter le livre. C’est le côté « marketing » du métier pour lequel je ne suis pas très efficace. Puis, lorsque je suis passé à l’ebook, les rencontres avec les lecteurs se sont faites sur Internet. Facebook s’est aussi avéré très puissant pour relayer mes informations et échanger avec des lecteurs qui sont devenus des amis. Lorsque Anita a envisagé de sortir mes romans en format papier, les salons redevenaient intéressants. Mais maintenant, je ne sollicite plus la possibilité d’y aller, on me le propose ! C’est plus confortable. Une rencontre qui m’a marquée : Lors du salon de Carhaix en Bretagne, j’ai discuté avec sa Présidente, Irène Frain. Avant de partir en Inde, j’avais lu son roman Le Nabab et m’étais inspiré d’elle plus tard pour créer Soazic. Elle a acheté Mystère en Finistère et le lendemain est venu m’en reparler. (Premier titre de L’étrange secret de Marie Cloarec, ndlr). Elle l’avait lu toute la soirée.
Pour terminer, avez-vous des projets littéraires en cours dont vous voudriez nous parler ?
« Je n’ai pas le syndrome de la page blanche parce que je n’ai pas d’obligations vis à vis de mon éditeur. Cette liberté me permet d’écrire à mon gré, selon l’inspiration du moment. Je viens de sortir la 14ème aventure de Gwenn et suis en train d’écrire la 15ème avec déjà une idée qui me trotte pour la 16ème ».
Merci beaucoup Alex Nicol d’avoir accepté de répondre à ces questions. Si des lecteurs du blog souhaitaient encore mieux connaître vos héros, votre vie, vos romans et votre actualité, je les invite à se rendre sur votre site : ici
*Anita Berchenko est éditrice, créatrice des Editions du 38, située en Haute-Garonne. (Ndlr)